MASTER RALLYE 1997
Photos
Paris – Samarkand –
Moscou
(du 22 août
au 6
septembre 1997) Récit
d'Isabelle Jomini
Alors qu’à peine un
mois et demi avant le départ du Master Rallye je n’osais même pas
imaginer
qu’un jour je participerai à cette course, un simple coup de téléphone
et la
grande aventure prenait forme. A la suite du désistement de dernière
minute du
pilote américain Jimmy Lewis, on m’a offert de prendre sa place dans le
team
Siemens-Nixdorf.
Une fois le défi
lancé, il me restait à prendre une décision pour le choix de la moto.
Deux
possibilités s’offraient à moi : ma Dominator du Dakar 97 ou la KTM
Rallye de
Chris Attiger. Toutefois, la condition impérative pour que je roule sur
cette
dernière était que l’on m’installe un moteur avec démarreur électrique.
« Kein Problem! » me répond enthousiasme Chris. La
présence d’un
camion d’assistance KTM sur le Master Rallye a fait pencher la balance.
Le prologue de Val
d’Isère me donne l’occasion de découvrir ma moto dans le terrain. Ne
connaissant pas encore ces réactions, c’est avec prudence que je gravis
la
Montée de l’Olympe. Malgré des problèmes de carburations en approchant
du
sommet, que d’autres pilotes ont aussi déploré, ma première impression
est
bonne.
Après la première
spéciale, sur le circuit caillouteux et bosselé de la Baja italienne,
près de
Venise, je suis un peu plus mitigée. Je suis surprise par la légèreté
de la
partie avant de la moto et ne la trouve pas très stable à grande
vitesse dans
la caillasse. Ce phénomène me perturbe.
Une fois débarquée en
terre d’Asie centrale, au Turkménistan, je demande à mon ami Jean Brucy
de bien
vouloir tester ma moto afin de constater si tout est normal. Il la
trouve
fabuleuse et m’avoue que j’ai beaucoup de chance d’avoir une moto aussi
performante ! Alors, je n’ai plus qu’à m’habituer !
La petite spéciale
autour de Turkmenbashi suffit à me convaincre que j’ai le privilège de
conduire
une moto exceptionnelle et me sens déjà très à l’aise à son guidon.
Les premiers jours
de course sont marqués par une chaleur étouffante, près de 50 degrés,
et par
des pistes très sablonneuses. Je me découvre une aisance
impressionnante à
rouler dans le sable alors qu’il n’y a pas si longtemps j’en avais
peur. Je
prends même un plaisir malicieux à passer d’une ornière à l’autre au
grès des
difficultés.
Malheureusement, il
ne se passe pas un jour sans qu’il m’arrive des mésaventures. La
navigation est
prédominante sur ce rallye et j’ai de la peine à me concentrer à la
fois sur
mon pilotage et sur mon road-book. Régulièrement je fais de petites
erreurs et
parfois elles me coûtent beaucoup de temps... D’autre part, avec la
fatigue, je
tombe beaucoup ou je m’ensable bêtement. Parfois, je n’arrive pas à
m’en sortir
toute seule et il m’arrive d’attendre près d’une demi-heure pour qu’un
autre
concurrent puisse m’aider. Mais ma plus grosse galère est une panne
d’essence à
4 km du ravitaillement... J’ai attendu une heure pour être dépannée par
un
motard ! J’ai même démonté mes réservoirs arrière pour récupérer la
petite
goutte qui restait au fond et la verser soigneusement dans le réservoir
avant,
mais ce n’était pas suffisant pour faire redémarrer la moto...
Après une journée
de repos bien méritée à Samarkand, c’est en pleine forme que j’attaque
les plus
longues spéciales du rallye (600 km).
Avec un départ à 10
heures, je sais par expérience, à moins d’un tracé très roulant, qu’il
m’est
pratiquement impossible de terminer la spéciale de jour. Pourtant, je
suis bien
déterminée à me prouver le contraire. J’enclenche le chronomètre pour
me
motiver, car en roulant toute seule, j’ai parfois tendance à me laisser
aller à
mon petit train-train. Très vite, je suis obligée de constater que je
n’arrive
guère à dépasser une moyenne horaire de 50-60 km par heure, mais je ne
perds
pas espoir. Je rallie la ligne d’arrivée après quelques heures de
pilotage de
nuit, mais tout se passe bien. Un jour, à la tombée de la nuit, il me
reste
encore 80 km à parcourir, mais cette dernière portion, selon les
organisateurs,
ressemblerait plus à du trial que du rallye. Je suis déjà complètement
détruite.
Au C.P. 4, les gars m’informent que les motards qui étaient derrières
moi sont
sortis de la spéciale au dernier ravitaillement essence pour prendre le
goudron, donc je suis la dernière moto en piste. Ils me conseillent
d’attendre
une voiture et de faire le détour de 250 km par la route pour rejoindre
le
bivouac. A contrecœur, j’accepte, étant consciente que j’allais prendre
3
heures de pénalité pour un C.P. manquant.
Le lendemain, la
spéciale est aussi longue et débute également à 10 heures. René Metge
m’assure
qu’elle est roulante « Tu verras, les 110 premiers kilomètres
c’est du
sable mou, mais après c’est roulant ! ». Lorsque j’arrive au
2ème C.P., il
est 14 heures et il me reste encore 400 km à parcourir... Une centaine
de
kilomètres après, je tombe en panne à la sortie d’un village.
Impossible de
redémarrer ma moto. Je passe plusieurs heures en compagnie des
villageois, qui
sont tous adorables avec moi. Mais impossible d’échanger un seul mot,
il ne
parle que leur langue… Ils m’apportent à manger, à boire, du lait de
chameaux,
que je ne peux pas refuser… (je serai malade durant 2
jours !). Bref, à la
tombée de la nuit, un camion d’assistance m’embarque et me dépose au
bivouac
vers minuit. La panne se révèle être le fils de masse du CDI qui
s’était cisaillé.
Bien entendu, je suis lourdement pénalisée, mais je peux continuer.
Si durant la
première partie du rallye nous avons souffert de la chaleur, la fin de
course
fût tout autre : nous subissons du mauvais temps froid et
humide.
Autant le chaud ne
me dérange pas, mais alors le froid... je ne supporte pas ! J’ai même
failli
tout abandonner un jour, tellement j’avais froid aux mains. Surtout que
je ne
suis pas équipée contre le froid.
Certaines spéciales
se sont transformées en courses d’enduro sous la pluie et dans la boue
! Avec
nos grosses motos et nos pneus déserts, c’était l’enfer !
Lors d’une longue
liaison, en remontant en direction de Moscou, je suis tombée sur la
route. En
entrant dans un village, un chien m’a coupé la route et j’ai eu le
malheur d’appuyer
légèrement sur le frein avant pour ralentir. La moto a immédiatement
versé et a
glissé sur plus de 50 mètres. Heureusement : pas de blessures, ni de
gros
dégâts sur la moto.
Je suis très
heureuse d’avoir réussi ce nouveau pari et garde un excellent souvenir
de ce
rallye, même si je l’ai trouvé très rude et éprouvant. C’était une très
bonne
expérience et j’ai beaucoup appris, notamment en matière de navigation
et de
pilotage dans le sable. J’ai été enthousiasmée par ma moto, dont la
partie
cycle très performante m’a évité plus d’une fois la catastrophe.
Etant la seule
femme au départ en moto, je remporte naturellement la coupe féminine et
termine
19ème du classement général. D’autre part, j’ai
également reçu le
trophée de la « sportivité »… C’était la première
fois qu’une femme
terminait ce rallye en moto.
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